Entretien: Bejun Mehta
La reprise de Written on Skin de George Benjamin, qu’il avait créé en 2012 au Festival d’Aix-en-Provence, se fera sans lui à l’Opéra-Comique, à partir du 16 novembre. Le contre-ténor américain se consacre à d’autres projets, de ses débuts de chef d’orchestre à son troisième récital discographique chez Harmonia Mundi, Che Puro Ciel, qui sort ce mois-ci, sous la direction de René Jacobs. Sans oublier une mini-tournée de concerts avec l’Akademie für Alte Musik Berlin, qui fera étape à Versailles, le 30 novembre.
Garçon soprano, violoncelliste, diplômé en littérature allemande, directeur artistique pour plusieurs labels discographiques, vous avez vécu plusieurs vies avant de devenir contre-ténor. Pourquoi avoir finalement fait ce choix ?
J’ai beaucoup chanté lorsque j’étais enfant. Et j’ai toujours gardé un merveilleux souvenir du privilège qu’il y a à s’exprimer de cette manière. C’est pourquoi j’ai éprouvé le besoin de me retrouver à nouveau dans ce rôle. Si je m’étais révélé un instrumentiste de stature internationale, j’en aurais probablement fait mon métier. Mais je me sentais chanteur, et je savais que ma voix allait changer. Après cet arrêt forcé, il m’a fallu me recentrer. J’ai un esprit très curieux, je suis studieux, et j’aime m’impliquer dans plusieurs domaines. Toutes mes activités m’ont procuré un plaisir immense, et elles me servent beaucoup aujourd’hui. D’autant qu’elles me paraissent profondément liées. Ainsi, produire des disques permet d’avoir une vue d’ensemble sur tout ce qui se passe à un moment donné. En réalisant le montage de centaines d’enregistrements, j’ai appris à réunir des éléments qui peuvent sembler disparates à une oreille extérieure. Mais parmi toutes ces occupations, il en est une que ma biographie passe plus ou moins sous silence, parce qu’elle est déjà suffisamment embrouillée ! À Yale, où j’étudiais l’allemand, j’ai fondé un orchestre avec une vingtaine de très bons musiciens, qui ont d’ailleurs tous continué au plus haut niveau, à une exception près. Après mon diplôme, il m’a fallu choisir entre la direction et le chant, mais le mois prochain, je ferai officiellement mes débuts de chef à la tête de l’orchestre baroque B’Rock (1). C’est le prochain chapitre de ma carrière, même si je reste, et pour longtemps encore, chanteur avant tout. Mon but a toujours été de mener une vie en musique. C’est, à mon sens, la façon la plus utile de passer notre précieux temps sur cette terre…